Arrêt du 4 novembre 2016

Transmission par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris une Question prioritaire de constitutionnalité au sujet de l’infraction d’entreprise terroriste individuelle

30 Nov 2016

La Conférence

Par

arrêt du 4 novembre 2016, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a transmis à la Cour de cassation la Question prioritaire de constitutionnalité que la Conférence du Barreau de Paris lui avait soumise, au sujet de l’infraction d’entreprise terroriste individuelle.

Cette question est ainsi libellée :

Les articles 421-2-6 et 421-5 du Code pénal, qui définissent et répriment l’infraction d’entreprise terroriste individuelle, sont-ils compatibles avec les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines consacrés par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ?

L’article 421-2-6 a été introduit par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Il institue une nouvelle infraction-obstacle en matière terroriste, dans l’objet d’appréhender les comportements dits de « loups solitaires ».

Au-delà de son indigence (un simple coup d’oeil convaincra le lecteur), ce texte paraît doublement critiquable sur le plan constitutionnel.

D’une part, l’élément matériel souffre d’imprécisions peu communes par leur ampleur et leur nombre. A titre d’exemple, sont visés par le texte le fait de « rechercher » un « objet » de « nature à créer un danger« , ou encore le fait de « recueillir des renseignements sur des lieux […] permettant de mener une action dans ces lieux ».
Le texte encoure donc un grief au regard du principe constitutionnel de légalité des délits.

D’autre part, une critique est formulée au regard du principe de nécessité des délits et des peines. L’article 421-2-6 apparaît en effet particulièrement large. Si large qu’il est caractérisé pour la quasi-totalité des français. Il en ira ainsi, par exemple, de ceux qui (i) possèdent dans leur cuisine un couteau et (ii) ont déjà tapé le nom d’une célébrité ou d’un bar sur Google Images ou Google Maps.
On aboutit donc à un véritable procès d’intention où l’élément moral seul, c’est-à-dire en l’occurrence le simple fait d’envisager la commission d’une infraction, rend passible de dix ans d’emprisonnement.

S’il paraît légitime que le législateur appréhende la préparation d’acte de terrorisme en amont de sa commission, l’article 421-2-6 du Code pénal franchit la ligne rouge en instituant en délit sévèrement réprimé… de simples idées potentiellement jamais concrétisées et jamais exprimées auprès de tiers.